Bulbes !

En 2016-2017, Annab Aubin-Thuot a contribué de près à la structuration des Bulbes.
Elle a écrit ce texte-manifeste, co-signé par Anne Goldenberg :

Bulbes !

Une maison-forestière pour recueillir, encourager et soigner :
des projets, intuitions artistiques & militantes, des œuvres respiratoires.
Un espace axé sur le soin, le calme et les pédagogies anarchisantes, ouvert aux ami.e.s.

Nous œuvrons à fortifier et à familiariser
des rhizomes
enclins à la diversification de l’autrement
pratiques de résilience
récits visionnaires
fictions amourachées d’innocence
foyers du songe & poésie pétarade

bienvenue aux artistes
bienvenue aux cœurs fragilisés
en besoin d’espoir et de lenteur
en soif de création
en solitaire, en intimité, en duo ou en chœur

 

RACINES

1. Féminismes

Comment accueillir un nous féministe mouvant
et s’assurer qu’il demeure mouvant?
politiser nos parcimonies
appelées « le corps défendant »
déployer
des chantiers-forteresses de douceur
des pluies de soutien mutuel
et le souci de l’intersectionnalité

Queer! comme éclat
et topos de l’infini
forme toujours inattendue
métamorphose par-dessus métamorphose
tout corps apprend par sa beauté,
son dynamitage

Louves! jouent à la cachette
à la fois réelles et utopiques
insaisissables dans leur essence

s’abreuver aux féminismes pluriels, visionnaires,
afro-descendants, autochtones et anti-coloniaux
brasser des forces soucieuses,
des minuties inclusives

2. Care

ce n’est plus une corvée ni un dévouement invisible
mais une reconnaissance des besoins, des vulnérabilités et des germes
mais un tendre travail de désaliénation;
c’est l’abri pour le bois en prévision de l’hiver
le manteau qu’on étire jusqu’aux chevilles des rivières
c’est la culture du soin !
entre grâce et gravité,
toujours à redéfinir

chevreuils, lichens et outardes auréolés
qu’en direz-vous, porteurs de sens?
car enfin vient le temps où nous ne parlons plus à votre place

de la fraîcheur de la lenteur
à recueillir dans la matinale gratitude
feux de camp temps morts
consciences qui demandent
rien qu’un peu de vent à boire

renaître c’est aussi reposer
s’étaler tout-du-long dans des espaces-temps rudimentaires

méditation macération des besoins
recentrement et tout à coup,
Horizon!
ou petit voilier qui t’attend au port
tout emmitouflé de douceur
de patience, de tolérance en valse majeure
« une correspondance à soi »

3. Poésie

d’espoir
ou de dissidence ravigotante
imaginaires collectifs et assoiffés
écriture visionnaire
art absolu

venons habiter la complicité active
entre l’éthique et l’esthétique
sculpter la poiesis couleur chair et feu
et observer comme elle est inépuisable

l’esprit critique habite aussi l’intelligence de la matière

4. Hacking

nous hackons le patriarchat, les cybercolonialismes et leur marées de mensplanning
par un réseau de sens terrestres, amoureux, étoilés
et une réappropriation consentie de nos moyens, de nos imaginaires, de nos infrastructures

nous nous offrons des outils, des espaces conviviaux
des pédagogies anarchisantes, solidaires, plurielles et singularisantes
des imaginaires cyborg et des sororités inter-espèces
d’interdépendances collectives et conscientes de l’anthropocène

And instead of a DIY,
Do It With Others

VISION

un laboratoire plutôt qu’un territoire
un souffle où s’installer, rudimentaire, creuser son devenir
réfléchir, fléchir
peut-être s’agit-il surtout de s’attendrir

une pousse lente, délicate, de ténacité et d’attente bourgeonnante
un îlot de quiétude, de poésie et de vie
pour s’étudier, se recentrer
à l’aquarelle de nos sensibilités aiguës

spéléologies affectives
grottes à rendre publiques et politiques
forêts souveraines à gratifier

les modes de vie à repenser dans leur rythme profond
la chanson du chaque-jour à façonner en quelque-chose-qui-coule
un ru rien de plus
bruissant au fil des œuvres, en filigrane, filée funambule
humant la consistance de nos temps neutralisés
foisonnante jachère

brasser des questions, pour que la sève prenne en sucre
que l’on ne se contente pas du visible
de quoi est fait l’espoir au juste ?
quels ingrédients devons-nous injecter à l’imaginaire de la suite ?
comment s’anime l’effervescence ?
de quelle soif procède-t-elle ?
vers quelles fictions vitales ?
et quand se repose-t-elle
, nourrie apaisée contente ?

cultures anonymes, Pierrots androgynes
travailler la matière du silence,
connivence

le sens gorgé comme dans : revenir à la gorge de nos blessures

dans le crépitement continu d’un feu polyglotte
dans la vastitude des sensibilités polymorphes
notre révolte, polyvalente

butin étiolé : les innombrables tentacules de nos solidarités

nous travaillons à la santé d’un continuum
de victoires hors de tout système de contrôle
à coudre
constellations
certaines ancestrales, d’autres naissantes
à fuser
laisser percer l’espoir épicé

Bulbes!
concept sauvage
fuite vitale, court-circuit, grève nourricière
l’échappée des sillons et ritournelles
oppressions amorties dans le détail et le repli

Bulbes contaminent, vitaminent
des poèmes morsures
des cœurs colmatés tapissés d’appartenances
qui n’appartiennent plus à l’offre et à la demande
pour renouer les vitalités sous-jacentes

Bulbes!
aux vulnérabilités rondes et longiformes
qui tâtonnent, frissonnent, bercent quelques incertitudes
cherchent l’interstice amoureux entre soie et monde
où l’on fait maison et propulsion